Joel Benguigui

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Publié le 7. décembre 2017 avec Leica M

Après plusieurs années loin de sa famille biologique, le photographe Joel Benguigui s'est mis en quête de la retrouver. Au coeur de l'Indonésie, vivez avec lui leurs émouvantes retrouvailles...

 

Cet été, grand-mère Lala s’est éteinte après que sa santé se soit détériorée pour des raisons de malnutrition.

Quand j’ai appris la nouvelle, je rentrais juste d’Indonésie, après avoir passé 5 semaines en reportage sur Rianto, danseur et chorégraphe majeur indonésien, originaire de Banyumas, Java centre.

Cela aurait pu être Maria, ma mère, notre rencontre aurait pu ne jamais arriver.

Mujizat.

 

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Seulement maintenant, je vois plus clairement les forces mystiques présentes en Indonésie.

J’ai ce souvenir de cette grand- tante, de cette visite juste avant l’orage. Elle était assise en face de moi.

Elle sentait ma présence, m’entendait, et voyait à travers moi. Quand Andi lui a raconté mon histoire, ses yeux se sont remplis de larmes.

Une vieille dame sans âge. Aveugle. Pleurant de joie.

 

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Quand Andi a épousé Bernadetta, l’un de ses oncles leur a offert cette maison.

Chez moi, c’est chez toi, me dit-il.

Une maison toute simple, et quelque part, elle me donne un sentiment d’appartenance où être moi prend soudainement une toute nouvelle dimension.

On passe nos journées à aller ici et là sur sa moto, et parler de nos vies jusque tard chaque nuit.

 

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J’ai grandi dans un environnent très protecteur.

Quand je regarde tous ces enfants qui courent autour du village, ça me projette en enfance, et me rappelle combien j’aimais courir dans le jardin, grimper aux arbres, construire des cabanes, et me balader en forêt.

Nous sommes trop facilement déconnectés de la nature et de ce qu’elle a à nous offrir chaque jour.

Ce matin, je suis dehors, et prends ma première douche sous un orage tropical et je me sens tellement plein de vie. Chaque matin pluvieux, je cours dehors, pour éprouver cette sensation encore et encore.

 

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Feby et Wilson passent leur temps libre à s’amuser dehors quand ils ne sont pas à l’école.

Et un jour, leur tour viendra et ils aideront peut-être leur communauté, comme le font les anciens, et travailleront dans les champs de riz.

Cette entraide m’a semblé tellement naturelle à Paga.

La fierté et le sentiment d’être utile au bien-être du village, même si ces tâches sont bénévoles.

 

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Maria m’a fait connaître une spécialité dont je ne peux plus me passer. Papaye verte, fleurs de papaye et com râpée.

À Kupang, elle était très concernée par mes piqûres de moustiques.

Je n’en ai pas vu un seul dans le village de mon frère, et pourtant, elle me préparait ce remède naturel contre la malaria tous les jours. Assise sur un petit tabouret sur lequel étaient montés un manche et une fourchette édentée, elle grattait la chaire de coco fraîche.

 

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La mère de Bernadetta était assise à ses côtés.

Un petit boîtier en palme tressée et 2 pierres devant elle. Dedans, elle garde son nécessaire pour la préparation de la Sirih Pinang, qu’elle avale plusieurs fois par jour.

Un stimulant naturel aux effets psychostimulants euphoriques assez addictifs.

 

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La vie suit son cours à Paga. Je suis heureux, je me sens bien.

Quand je regarde mon frère, père de 3 enfants, je suis fière d’être de sa famille et après tant de moments éprouvants, remplis d’une telle charge émotionnelle, je me sens en paix, ici, entre la mer, la terre et le ciel, dans sa maison, sur les pentes d’un volcan actif.

Je regarde Andi et je ressens pleinement l’amour qu’il a pour les siens.

 

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La porte est toujours ouverte pour les amies, ou les tantes de passage. On entre, on partage un dîner, et on se retrouve tous assis dans le salon, sur le sol, à regarder la télé presque chaque soir.

4 générations sous le même toi et un lien très fort qui les uni.

J’ai eu le sentiment que mon voyage était loin d’être achevé et que ce n’était que le commencement de quelque chose de bien plus important qu’une simple visite à ma mère, à mon frère et à ma soeur.

 

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Depuis que je suis rentré, ce sentiment d’appartenance grandit en moi.

Ici j’ai ma place. Je viens d’ici.

Je suis fier de pouvoir dire que j’ai 2 familles. Une ici, et une là-bas.

Il m’aura fallu 39 ans avant de pouvoir ressentir cela, avant de pouvoir dire que finalement, le puzzle se complétait, et que je trouvais les dernières pièces en moi.

 

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À l’époque, mon père ne pouvait pas accompagner ma mère. Il venait tout juste d’ouvrir son cabinet médical. Ma mère a fêté ses 30 ans sur la plus belle île au monde, et j’étais le plus beau cadeau que la vie puisse donner à une femme qui ne pouvait pas avoir d’enfant, et qui avait voyagé des milliers de kilomètres pour m’offrir une famille et un foyer.

Je m’appelle Joel Benguigui, je suis né Jose Augustins Risaldi, le 1er août 1978 à Denpasar, Bali.

Ceci est mon histoire, ceci est ma vie.

 

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Biographie – Joel Benguigui

Originaire de florès, né à Denpasar, Joel Benguigui a grandi à paris. Il raconte des histoires en image, naviguant entre les mondes de la mode, du documentaire et des arts.

Joel collabore avec Hannah Frank Dusar sous le nom d’Hannah & Joel, leur regard, plein d’émotion, a été sollicité par des acteurs majeurs de l’industrie, tels que Condé Nast France, Lancôme ou encore Zadig & Voltaire. Ils sont basés à Anvers, et représentés par INITIALS L.A.

Leur travail inclus séries éditoriales et projets documentaires, et notamment publiés par Women’s world - Lufthansa, Dazed Digital, Neon magazine ou encore Intro magazine.

Il pose un regard intime et plein d’humanisme sur celles et ceux qu’il photographie. Les images qu’il capture sont le témoin de leur vie, et leur donnent une voix.

 

Retrouvez Joel Benguigui sur :

- son site
- son Instagram

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