Yves Jeanmougin

Publié le 17. octobre 2017 avec Leica M

Dans le cadre de la 7ème édition du Festival "La Photographie Marseille" dont Leica est partenaire, 25 événements photo (expositions, rencontres) seront proposés au public pendant plus de 3 mois.

Yves Jeanmougin y présentera son exposition, "Yves Jeanmougin | Méditérrannéens", dont le vernissage se tiendra le vendredi 27 Octobre 2017 à partir de 18h30, au Bistrographe, 78 Boulevard de la Corderie, Marseille. L'exposition est ouverte du 23 octobre au 15 décembre 2017.

Seront exposés une sélection de tirages argentiques noir et blanc originaux réalisés au Leica depuis les années 1980 sur le pourtour méditerranéen, et plus particulièrement au Maghreb, région avec laquelle il entretient une relation privilégiée.

En prévision de cette exposition, Yves Jeanmougin revient sur sa carrière de photographe indépendant et nous ouvre les coulisses de “Mediterrannéens".

Parle-nous un peu de toi...

Je suis né à Casablanca et je vis à Marseille depuis une trentaine d’années. J’ai débuté ma carrière photographique à l’agence Viva, un collectif fondé en 1972 par un groupe de photographes déjà confirmés, notamment Martine Franck, Claude Dityvon, Guy Le Querrec, Hervé Gloaguen, tous des leicaïstes convaincus (une rétrospective « VIVA » organisée par le Jeu de Paume à l’Hôtel de Sully a eu lieu en 2007). Cette aventure a duré une dizaine d’années. J’ai également fait un court passage à l’agence Gamma puis j’ai rejoint Rapho où j’ai côtoyé entres autres Robert Doisneau et Willy Ronis.

Au début des années 1980, je suis venu m’installer à Marseille. J’ai alors commencé à travailler sur les diverses communautés de la ville, beaucoup dans les quartiers Nord, en mettant l’accent sur leur habitat, leurs traditions, leur mode de vie. Puis il y a eu bien d’autres sujets.

En 2000, j’ai eu l’opportunité de devenir résident permanent à la Friche la Belle de Mai, ce qui m’a enfin permis de développer des projets mieux structurés, à travers l’association Métamorphoses, espace de production étroitement lié à mon atelier. Jusqu’à présent, environ dix éditions ont vu le jour, toutes accompagnées d’une exposition.

 

Quand t'es-tu intéressé à la photographie pour la première fois ?

Après des études d’art à Paris, j’ai été dessinateur publicitaire pendant une dizaine d’années. J’ai donc toujours eu un rapport privilégié à l’image. Parallèlement, j’ai commencé à pratiquer un peu le publireportage. Et surtout j’ai découvert le travail des photographes de la FSA (Farm Security  Administration) – dont Dorothea Lange, Walker Evans ou Artur Rothstein – réalisé durant la Grande Dépression aux Etats-Unis. Je me suis senti très proche de ce type de démarche.

Je suis autodidacte. Je suis vraiment « entré en photographie » fin 1970, après avoir vu l’exposition « En France » de Henri Cartier-Bresson au Grand Palais. C’est là que j’ai eu le « déclic » ! En sortant de l’expo, je suis allé acheter mon premier Leica.

 

Quel a été ton premier appareil ? Te rappelles-tu dans quel contexte tu l’as acheté ?

Un Leica M4 avec un 35mm, que j’ai toujours d’ailleurs. Je l’avais acheté à Paris, chez « Images », rue Saint-Augustin. Le vendeur, pour me convaincre de la robustesse du boîtier, l’avait volontairement fait tomber à mes pieds. L’appareil fonctionnait toujours. Il ne m’a plus quitté depuis. Petit, silencieux, robuste, ce boîtier rentre dans la poche d’une veste. L’appareil parfait !

On peut dire que c’est grâce à Henri Cartier-Bresson que je suis devenu leicaïste à mon tour ! J’ai fait toute ma carrière avec un 50 mm, un 35 et un 28 pour coller au plus près de mes sujets. Après ce premier boîtier, j’ai également acquis un M5, M6, M7, M9 et puis récemment un M (Typ 262) dont je suis pleinement satisfait.

Aujourd’hui, après plus de quarante ans de carrière, je n’ai pas encore franchi le pas du tout numérique. Je travaille toujours en argentique avec mes Leica. Je combine les deux systèmes et cela me convient ainsi, d’autant que je maîtrise toute la chaîne du procédé argentique (développement, tirages, etc.). Dans mon atelier de la Friche la Belle de Mai, j’ai installé deux agrandisseurs Focomat V35. En fonction des projets et de leur budget, j’ai donc cette liberté de pouvoir choisir l’un ou l’autre procédé.

Comment décrirais-tu ta photographie aujourd’hui ?

Je la définirais comme une photographie « humaniste ». L’homme a toujours été au centre de mon travail et je continue aujourd’hui à mener des projets en suivant cette voie.

 

Comment un nouveau projet naît-il dans ta tête, où cherches-tu l'inspiration ?

C’est souvent l’actualité qui m’inspire. Un projet peut naître aussi bien d’une rencontre, à l’origine d’un nouvel univers à découvrir, que d’un désir profond de traiter un sujet spécifique. Par exemple, si j’étais plus jeune, j’aimerais partir suivre les migrants et les réfugiés qui traversent la Méditerranée, mais ce n’est plus trop de mon âge… Je rêve également de retourner sur des « terrains » que j’ai couverts il y a de nombreuses années pour voir comment le monde a évolué. C’est le « privilège » du vieux photographe qui a pas mal roulé sa bosse.

 

T'arrive-t-il de douter de tes images, de ton travail ? Aurais-tu quelques conseils à donner aux jeunes générations pour lutter contre ce « blocage du photographe » ?

Bien sûr que je doute ! Mais avec le recul, je sais aussi porter un jugement sur les travaux que j’ai réalisés. Alors douter c’est bien, je préfère cela aux personnes trop sûres d’elles… Pendant longtemps, il me semble que je n’ai pas accordé suffisamment de valeur à mon travail. J’étais dans une petite structure qui n’avait pas les moyens de rivaliser avec les grosses agences, donc mes images étaient peu diffusées. Les compliments et les critiques sur mon travail photographique venaient en grande partie de mes pairs.

Je doute également de l’impact que peut avoir ce genre de boulot sur le public. Je suis une sorte de témoin mais je ne sais pas si le message passe toujours. A titre d’exemple, j’ai effectué un reportage assez long sur la prison des Baumettes parce qu’à l’époque j’entendais souvent dire que les détenus vivaient dans un « hôtel 4 étoiles ». Alors, après obtention des autorisations qui ont demandé du temps, je suis parti avec mes Leica photographier la dure réalité de l’univers carcéral.

Concernant les jeunes photographes, je les encourage à montrer le plus possible leur travail. Avoir des retours, des avis, des critiques, des conseils est important, car il est difficile d’avancer seul et de prendre le recul nécessaire par rapport à son propre boulot. Cela aide à s’orienter, et parfois à se remotiver. Je suis passé par là à mes débuts.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur ton exposition à venir « Méditerranéens » ?

J’avais une exposition sur ce thème qui avait été présentée à Paris en 2007 à la galerie Fait & Cause, dont le directeur artistique était Robert Delpire. Pour l’exposition qui va se tenir au BistroGraphe, j’ai sélectionné une série d’images présentées à l’époque, étoffée de quelques photographies complémentaires (Italie du Sud, Espagne…). Certaines de ces images seront montrées à Marseille pour la première fois.

 

Que représente pour toi le bassin méditerranéen ?

Je me sens avant tout méditerranéen. Je suis né en Afrique du Nord, mes racines sont dans cette région. Mon père est né au Maroc et ma mère en Algérie. Le fait de vivre à Marseille n’est sans doute pas un hasard. Quand je vais dans ces parties du monde, je suis en pays de connaissance et je m’y sens bien. Lorsque je pars sur le terrain, je crée toujours des liens assez forts avec des personnes qui vont ensuite m’accompagner dans ma démarche. L’acte de photographier est quelquefois un défi, tu ne sais jamais ce que peut déclencher ce geste. La plupart du temps cela est festif et très chaleureux, mais violent aussi parfois.

 

Quelle est ta perception de la ville de Marseille ?

J’ai sillonné cette ville dans tous les sens et surtout dans les quartiers les moins touristiques ! Aujourd’hui, je suis un peu inhibé… Quand tu vis trop longtemps dans un endroit, il arrive un moment où tu ne vois plus rien. Je reconnais cependant que pour un regard neuf Marseille est un très beau théâtre de jeu photographique.

As-tu de nouveaux projets dont tu aimerais nous faire part ?

Je viens de sortir mon premier livre entièrement réalisé avec un appareil numérique (Leica M9) : « Alger » (éditions Métamorphoses). Un premier travail en couleur où j’ai pu pleinement apprécier les possibilités qu’offre le système numérique, tout comme dans le projet que j’ai réalisé en Guyane sur le site des anciens bagnes des îles du Salut, qui fera l’objet d’une prochaine édition. Et je vais repartir à Naples début 2018, presque quarante ans après mes premiers voyages. Je suis impatient d’y retourner !

 

Le mot de la fin ?

Je suis heureux de présenter dans ce beau nouveau lieu « mes » Méditerranéens, qui je l’espère susciteront des échanges constructifs.

Rendez-vous donc le 27 octobre au BistroGraphe pour le vernissage à partir de 18h30,

Et un grand merci au Leica Store Marseille pour cette initiative !

Biographie – Yves Jeanmougin

Né en 1944 à Casablanca, Yves Jeanmougin est installé à Marseille où il est artiste résident à la Friche la Belle de Mai.

Il a débuté sa carrière de photographe à l’agence Viva en 1973. Durant toutes ces années, il développe de nombreux sujets: Armée française, Allemagne (RDA et RFA), Sans-abri, Djibouti, Familles du quart monde, Jeunesse dans le Nord, Semaine sainte en Sicile, Fêtes populaires et Indiens Montagnais au Québec, Enfants au travail et Fêtes populaires à Naples, Pigalle, Communautés de Marseille, Cité radieuse de Le Corbusier, CHS Montperrin, Les Baumettes, Chinois de Belleville, lieux de mémoire en Algérie…

Pendant dix ans (1990-1999), il collabore avec le chorégraphe François Verret, avec lequel il mène entre autres une démarche de terrain autour de lieux chargés d’histoire sociale: film Censures, Chantiers navals abandonnés de La Seyne-sur-Mer, Centre de loisirs désaffecté Le Fresnoy, Mulhouse, Aubervilliers. À partir de 1995, il aborde la vidéo et réalise plusieurs portraits traitant du monde du handicap: Tony, Thomas… En 1997, il renoue avec sa ville natale à l’occasion d’un projet collectif dédié à l’imaginaire de la ville blanche et lui consacre dès lors une place toute particulière dans son œuvre.

Ses travaux ont été publiés dans divers ouvrages, notamment aux éditions Métamorphoses, auxquelles son atelier est étroitement lié. Il travaille actuellement sur des projets concernant les héritages politiques et culturels: mémoire historique de l’Europe et parcours migratoires et identitaires.

 

Site internet : http://www.yvesjeanmougin.com/

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